mardi 13 juin 2017
Le communiqué de presse parvenu à notre Rédaction
Dans le cadre du mouvement d’humeur déclenché par la corporation des enseignants du sous-système éducatif anglophone du Cameroun et les avocats du système de la Common Law du Cameroun, un mot d’ordre de boycott des cours a été lancé dans les secteurs de l’éducation de base, des enseignements secondaires et de l’enseignement supérieur dans les deux zones anglophones du Cameroun, parallèlement au boycott des audiences par les avocats grévistes de ces mêmes régions, depuis novembre 2016. Après de longues négociations entre les divers protagonistes de ces mouvements d’humeur et les représentants de l’Etat, une série de mesures d’apaisement ont été adoptées en vue de la reprise des activités dans ces zones.
Les cours ont ainsi progressivement repris dans ces régions, permettant ainsi de sauvegarder le droit fondamental à l’éducation, massivement violé par les donneurs d’ordre du boycott. Les mesures de sécurité adoptées par l’Etat du Cameroun et la franche collaboration entre les populations et les autorités ont heureusement permis la reprise des enseignements et le bon déroulement des examens dans ces deux régions.
La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés est cependant très préoccupée par l’extrémisme persistant de certains contestataires qui n’hésitent pas à recourir à la violence caractérisée ces derniers temps, notamment par les atteintes à l’intégrité physique et morale des élèves, qu’ils veulent dissuader de bénéficier des enseignements et de participer aux examens officiels.
Ainsi, le 5 juin 2017, l’élève Angere Chantal Chatelle Ntamulum, inscrite au Government Bilingual High School (GBHS) de Ntamulum (Bamenda) pour le compte de l’année scolaire 2016-2017, et qui prépare l’examen du General Certificate of Education Advanced Level (GCE A Level), session de l’année 2017, prévu du 12 au 23 juin 2017, a été victime d’une agression sauvage par deux malfaiteurs, armés de machettes. Ces derniers ont grièvement blessé la victime à la cuisse, au bras gauche et au dos. Transportée d’abord à l’hôpital régional de Bamenda pour les premiers soins, puis au Mbingo Baptist Hospital pour des soins intensifs, la victime est à ce jour sous observation médicale.
Ce cas de violation du droit à l’éducation n’est cependant pas le seul depuis le lancement du mot d’ordre de boycott des enseignements. Il est symptomatique des dérives, de l’intolérance et de la violence auxquelles recourent les donneurs d’ordre du boycott depuis novembre 2016, pour imposer à la population désemparée leur point de vue et prendre ce faisant en otage le système éducatif des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Dans un passé récent, l’on a relevé des cas de violence contre les élèves, enseignants et parents qui allaient à l’école ou qui envoyaient leurs enfants à l’école. L’on se souvient du cas emblématique de Thérèse Mbakop, élève de dix-neuf ans en classe de seconde C au collège Nguéa Lotin de Limbé, victime d’une fracture de vertèbres cervicales après être tombée du deuxième étage de son établissement en essayant d’échapper aux assaillants pendant une attaque de jeunes vandales armés de gourdins dans l’enceinte scolaire, au moment où un enseignant dispensait les cours, et qui fut internée au service neurochirurgie de l’hôpital Laquintinie de Douala, où elle a reçu la visite du gouverneur de la région du Littoral.
Le droit à l’éducation est un droit fondamental essentiel pour la réalisation de tous les autres droits de l’homme et l’éducation participe des devoirs impérieux de l’Etat. Ce droit est notamment garanti par la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 qui dispose, en son préambule que : « L’Etat assure à l’enfant le droit à l’instruction. L’enseignement primaire est obligatoire. L’organisation et le contrôle de l’enseignement à tous les degrés sont des devoirs impérieux de l’Etat ». Ce droit est également consacré dans de nombreux instruments juridiques régionaux et internationaux ratifiés par l’Etat du Cameroun. Ainsi, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples stipule, à l’alinéa 1er de l’article 17, que « toute personne a droit à l’éducation ». De même, l’alinéa 1er de son article 13 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule que les « Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. Ils conviennent que l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérence et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations unies pour le maintien de la paix ».
Au regard de ce cadre légal qui exige de tous le respect du droit à l’éducation, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL), condamne avec véhémence le mot d’ordre de boycott des enseignements et des examens, ainsi que le recours à la violence comme mode d’expression dans un Etat de droit et invite les autorités à prendre toutes les mesures utiles afin que les personnes suspectées d’avoir agressé la jeune Angere Chantal Chatelle Ntamulum soient promptement interpellées, et que celles qui seraient jugées coupables soient sanctionnées de manière exemplaire.
La CNDHL salue l’initiative du gouvernement de prendre totalement en charge les frais médicaux liés aux soins dont a bénéficié et continue de bénéficier la victime à l’hôpital régional de Bamenda et au Mbingo Baptist Hospital où elle est actuellement soignée.
La CNDHL en appelle à la vigilance des populations qui ne doivent aucunement céder à la psychose que les forces obscurantistes, ennemies du progrès veulent maintenir dans les régions concernées et invite les donneurs d’odre tapis dans l’ombre et les exécutants de ces basses besognes à revenir au dialogue pour la résolution de toute question d’intérêt général.
La Commission national des droits de l’homme et des libertés reste ouverte à toute initiative et disponible pour contribuer à la pleine réalisation de tous les droits de l’homme civils, politiques, économiques, sociaux et culturels de tous et de chacun, dans le respect de la légalité républicaine.
Fait à Yaoundé, le 09 juin 2017
(é) Pr James MOUANGUE KOBILA