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Pr Shanda Tonme : « La sécurité d’une sous-région ne peut pas se limiter à une foire de circonstance »

vendredi 28 juin 2013


Le regard de l’internationaliste sur les travaux du sommet consacré à la sécurité dans le golfe de Guinée.

L’un des brillants spécialistes des relations internationales revient sur le sommet de Yaoundé consacré à la sécurité dans le golfe de Guinée, tenu à Yaoundé, les 24 et 25 Juin 2013, et pose avec froideur, son regard sur la déclaration dite de Yaoundé.


Un sommet consacré à la sécurité dans le golfe de Guinée vient de s’achever à Yaoundé (24 et 25 juin), avec la participation de nombreux chefs d’Etat. Vous qui êtes un spécialiste qu’on ne présente plus, des questions stratégiques internationales, et qui par ailleurs a commis de nombreux ouvrages sur cette problématique, quel jugement faites-vous ?

Tout d’abord, permettez que je vous dise tout le bien que je pense de cette rencontre on ne peut plus opportune voire capitale. Lorsque l’on observe l’ampleur du danger qui rôde à nos portes voire dans nos pays et à nos frontières, il y a de quoi se demander pourquoi un tel sommet n’a pas eu lieu plus tôt. Voyez-vous, nous sommes globalement en déficit de conscience de l’impérieuse nécessité qu’il y a dorénavant à gérer de façon efficiente et en temps réel, les questions liées à la sécurisation des personnes et des biens, et partant, à l’élaboration des réponses appropriées aux enjeux urgents de survie, de préservation des éléments centraux de notre souveraineté dans tous les sens du terme, et d’articulation des mécanismes cohérents de prévention des crimes à toutes les échelles de considération.

La question est de savoir si, de votre point de vue d’expert, les résolutions prises par les chefs d’Etat, sont de nature à constituer des solutions efficaces et appropriées ?

Tout d’abord, je n’ai pas à porter un jugement péremptoire sur une rencontre de cette nature, sans avoir été associé ni à sa préparation en tant qu’expert, ni à sa réalisation en tant que participant de délégation, ni à la mise en œuvre éventuelle des mesures en tant que membre désigné d’un quelconque comité de suivi. Par contre, ce que je peux observer, procède de l’appréciation d’un certain nombre de paramètres censés permettre de tirer des conclusions positives ou négatives. Si vous voulez la forme simplement, c’est-à-dire le côté rituel et protocolaire des grandes kermesses de dignitaires mondiaux, le succès était au rendez-vous. Le ballet des cortèges, la fanfare des forces de sécurité, le zèle de quelques sous fifres affectés à telle ou telle tâche, la couverture médiatique. Tout cela est important à signaler. Ensuite, il faut tout de même être honnête pour reconnaître que le Cameroun a bien fait les choses, un presque sans faute. Enfin, je vous signale que par expérience de diplomate et d’expert, les rencontres internationales de cette nature qui entraînent une multiplication de huis-clos des souverains étatiques, ont toujours une dimension secrète, non dite, classée confidentielle, que le commun des mortels et parfois même les experts ne découvrent que plus tard.

Nous insistons sur le fond, en somme ce que l’on pourrait retenir de bon dans la poursuite des objectifs de ce sommet…

Voyez-vous, il y a entre la thématique, le choix des énonciations politico diplomatiques et contextuels qui est une chose, et la base d’exécution en termes de potentiels et de prédispositions objectives pour parvenir à un niveau de réalisation, d’exécution et d’application des résolutions qui est une autre chose. Lorsque vous analysez les interventions, vous ne manquez pas de vous rassurer sur le fait que dans l’ensemble, le sujet a été abordé correctement et débattu honnêtement. Pourtant, d’un point de vue technique prenant en compte des paramètres permanents et stables de type géopolitiques et stratégiques, il est permis de douter infiniment de l’efficacité de ce sommet.


Mais que voulez-vous insinuer en fait ?

Non, je crois que vous me connaissez assez pour être habitué à parler franchement. Mais lorsqu’il s’agit d’analyses sur des questions aussi délicates que la sécurité et les rapports des forces géopolitiques, je dois prendre quelques distances avec les proclamations officielles des dirigeants étatiques.

Quelles sont ces distances et en quoi sont-elles importantes ou nécessaires ici ?

Vous savez, la dégradation de la situation sécuritaire dans le golfe de Guinée n’est pas une fatalité, c’est même une évolution prévisible au regard des dysfonctionnements géopolitiques qui engendrent des risques de rupture des données stratégiques, le tout résultant d’une inadéquation des systèmes de gouvernance politique avec la montée des exigences de transparence, de représentation populaire et de légitimité tout court. Lorsque l’on vous parle des côtes somaliennes par exemple, il faut se demander quand commence le problème. Vous voyez bien que la faiblesse des régimes ou leur déliquescence dont la conséquence ultime est la ruine des institutions publiques voire de l’autorité de l’Etat, constitue la principale source. C’est la première tangente. La deuxième réside dans l’absence d’une coopération renforcée, des échanges réguliers de renseignements, et des coordinations sécuritaires et diplomatiques entre les différents Etats.

Est-ce à dire que des chefs d’Etat qui se voient très occasionnellement, ne peuvent pas assurer ensemble la sécurité du Golfe de Guinée ?

Regardez en Europe par exemple. Hollande est au pouvoir depuis juste un an, mais il a déjà rencontré plus de vingt fois le chef de l’exécutif allemand, Madame Merkel. Dites-moi combien de fois les présidents Biya et Goodluck Jonathan se sont rencontrés depuis un an ? Ne citons même pas les autres. Le nœud du problème, voire de l’échec se situe déjà à ce niveau. La sécurité d’une sous-région ne peut pas se limiter à une foire de circonstance. Et puis, quand chacun se comporte comme un roi dans une forêt privée complètement détachée du reste du monde, détachés des voisins immédiats, rien de global en termes de prévention des risques ou de maîtrise des situations défaillantes ne peut être réellement contenu, entretenu de façon concrète, ponctuelle ou stratégique. On voit des chefs d’Etat assister aux rencontres internationales à convenance, comme si au final, rien n’est ni urgent, ni important, ni crucial. Pour faire des choses sérieuses, il faut d’abord se prendre au sérieux et accorder de l’importance à ce qui est important.

Vous parlez tantôt de bonne gouvernance et tantôt d’exigence de coordination, que faut-il retenir à la fin ?

Ecoutez, je vous invite à retenir les deux à la fois, en vous rappelant d’ailleurs et avec insistance et consistance, que ces paramètres sont intimement liés dans une relation dialectique. Les mouvements terroristes qui écument les côtes résultent avant tout des insatisfactions internes proches des instincts de cessession. Prenez Boko Haram au Nigéria, savez-vous qu’il s’agit d’une nébuleuse montée de toute pièce au départ par les politiciens du nord musulman qui contestent le pouvoir du sudiste Jonathan ? Seulement, ce mouvement échappe dorénavant à ses maîtres originels et plonge dans une criminalité sans nom. Le dernier rapport du Département d’Etat classe Boko haram en deuxième position des mouvements terroristes les plus meurtriers en 2012 avec plus de 365 attentats criminels et plus de 1200 victimes. Or, je vous signale que cette situation tient surtout à l’absence d’un véritable Etat fédéral fort et conséquent au Nigéria. Nous ne disposons dans presque aucun de nos Etats, des moyens logistiques et des préparations militaires indispensables pour mériter le statut effectif d’Etat régalien.

C’est quoi les obligations de l’Etat régalien selon vous ?

Prenez le cas de l’enlèvement de la famille Moulin récemment dans le nord Cameroun. Heureusement que nous nous sommes débrouillés, dans une coordination exemplaire tripartite avec le Nigéria et la France pour bien nous tirer d’affaire. Mais des questions et des constats s’imposent. Il y a au nord une espèce de vide sécuritaire criard, avec des unités de gendarmerie totalement délabrées ou démunies, sans moyens conséquents. Cette affaire aurait dû et devrait encore donner lieu à une enquête interne sévère au sein de la hiérarchie de nos forces de défense. Dans le même ordre d’idée, mais positivement, vous voyez bien quel effort admirable a été fait avec le navire hôtel Rio Del Rey, pour sécuriser nos frontières maritimes, même si cela reste insuffisant et n’empêche pas quelques attaques. C’est une avancée louable. Croyez-vous qu’un Etat ou un groupe d’Etats devrait encore organiser un sommet pour convoquer, implorer ou quémander une force internationale destinée à assurer sa sécurité, la sécurité de ses frontières, de ses habitants, de ses ressources naturelles ? C’est malheureusement une des résolutions du sommet de Yaoundé et je le regrette infiniment. Je crois que vous avez apprécié comme moi la déclaration du président équato-guinéen qui a insisté sur le fait qu’il faut se prendre en charge soi-même. Regardez le Mali, peut-on en être fier ? On vous dit que des forces de l’Onu vont être mises en place (12.000 hommes) pour sécuriser le pays. Où allons-nous, des années après que nous ayons proclamé les indépendances ? Un jour on fête le cinquantenaire des indépendances à grandes pompes, et le lendemain, on appelle les forces étrangères pour assurer la sécurité. Franchement, l’Afrique et les Africains manquent de sérieux.

Si nous comprenons bien, l’Afrique n’a pas besoin de forces étrangères et de casques bleus et le sommet de Yaoundé n’avait pas besoin d’une telle résolution ?

Attendez, ou nous sommes des Etats ou nous ne le sommes pas. Ce ne sont pas pourtant les moyens qui manquent. La vérité c’est que nous n’avons même pas des armées valables, dignes de ce nom. On passe le temps à impressionner les populations au sud du Sahara au mieux et au pire à générer des coups d’Etat. Il y a assez de ressources pour disposer des forces suffisantes, agissant sur des stratégies d’état major sérieuses, cohérentes, conçues par des spécialistes et des experts rompus. Mes travaux sur les questions militaires et stratégiques, autant que sur les systèmes d’armement, la conduite de la guerre ainsi de suite, sont exploités dans les Etats majors des grandes puissances, mais pas en Afrique. Ici, qui s’en préoccupe et qui s’embarrasse de lecture et de réflexion dans nos armées ? Il y a de nombreux experts comme moi ailleurs, en Afrique et tous, sont mieux exploités et plus explorés ailleurs, pour le compte d’autres nations, celles-là mêmes que nous appelons au secours.

Professeur, est-ce que vous n’êtes pas en train de dire que l’on aurait du vous consulter ?

Ah non, pas cela. Je vous ai déjà dit que d’un point de vue formel, la thématique était correcte et les communications ont été d’excellente facture. Si vous avez bien lu le discours de Paul Biya, de même que celui de Ouattara ou d’Idriss Déby, vous sentez que c’était bien fait, que des gens callés ont bossé comme il fallait. Je crois d’ailleurs que je connais bien certains dont j’apprécie les compétences, même s’ils n’ont pas toujours le courage de dire la vérité au chef de l’Etat quand il le faut. Les défaillances se situent comme je l’ai dit au niveau systémique, impliquant des paramètres à la fois civils et militaires. Nous devons pouvoir asseoir la bonne gouvernance comme préalable, bâtir des Etats effectivement organisés, viables et respectés avec une emprise complète sur la sécurité du territoire et des frontières. Cela suppose une stratégie conséquente d’équipement et d’emploi des forces, de même qu’une option résolument sélective de choix et de gestion des ressources humaines. Ensuite, nous devons prioriser la coopération inter-étatique dans l’organisation de la lutte contre la criminalité. Il s’agit d’une stratégie de tous les instants impliquant la mise en place de structures conjointes de renseignements, et de mécanismes automatiques d’alerte puis d’intervention. Les participants au sommet de Yaoundé ont semblé s’approcher de ces orientations, mais leur niveau d’organisation interne, leur seuil de coexistence complice et de coopération des intelligences du renseignement, de même que leur prédisposition à prendre en charge les devoirs et obligations régaliens, relèvent de l’impossibilité au pire, et d’un doute attentiste et immature au mieux. En définitive, le niveau de perfectionnement et d’effectivité de la sécurité à long ou à court terme d’un Etat, est intimement lié au niveau de perfectionnement et de légitimité de son système de gouvernance. Toute quincaillerie militaire ou toute stratégie de protection, de défense et de combat qui ne résulte pas d’une intime et transparente légitimité populaire, n’est qu’une pauvre, inutile, improductive et fanatique vue de l’esprit. Les enseignements militaires de Mao Tsé Toung et du Général Giap l’avaient déjà amplement prescrit et consigné dans les formations des états-majors.

Entretien avec Alain NJIPOU(Le Messager)

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