mercredi 8 avril 2015
Constamment en quête d’espaces et de soutiens, comédiens et acteurs de scènes théâtrales doivent se serrer les ceintures et les dents pour faire vivre et faire apprécier leur œuvre au Cameroun.
Le vendredi 27 mars 2015 a été surtout reposante pour bon nombre de chrétien dans le monde et pour cause, déclaré journée sainte en prélude à la fête de Pâques commémorant la nouvelle alliance de Jésus lors du partage de sa chair et de son sang (le pain et le vin) avec ses disciples. Cependant, des larmes de douleur ont coulé chez certains artistes, précisément ceux-là qui se réclament acteurs de scènes théâtrales. Le 27 mars 2015, la troupe de Makea Boyz, un groupe d’une dizaine de jeunes mués par le désir de donner du rire, s’est produit devant seulement une quarantaine de personne. Une amertume à les en croire. « Je me souviens encore en 2008, lors de mon premier spectacle initiatique, c’était plus de 300 personnes qui nous avaient acclamés. Aujourd’hui… à peine 50 personnes », s’exprime Galaha Zachée, acteur. Pour cette journée mondiale du théâtre, il est clair que cette réalité apparait comme un coup de pied porté dans le postérieur.
Le théâtre ne donne plus vraiment envie au Cameroun, semble-t-il. Les amateurs ne s’empressent plus et les scènes de production se font de plus en plus rares. Louer des maisons de parti, demander le soutien des municipalités, squatter des cours d’école ou improviser des spectacles de rue, tout passe. Mais l’art en lui-même ne semble plus nourrir son homme. « Les rentrées sont à peine perceptibles et acheter ou louer le matériel demande un gros capital qu’on n’a toujours pas », ajoute Zachée. En outre, le public ne semble plus s’y adonner. La réponse du Jean-David en en est illustrative : « A quoi sert-il d’aller voir le théâtre quand on a les films et surtout quand on manque du temps ? »
Cette réalité a amené plusieurs groupes à plier bagage ou à se reconvertir en acteurs de séries, en vendeurs, en musiciens ou encore en chauffeurs. La réalité est dure au Cameroun et le ministère de la Culture peine à trouver moyens à satisfaire tous les intervenants du maillon artistique local. Seuls des institutions tels les centres culturels camerounais, l’institut français du Cameroun, le Goethe Institute leur sont encore favorables… Vanessa Kemgoue, ancienne actrice de scène reconvertie en vendeuse de DVD sur kaymu.cm et en porte à porte, témoigne : « c’est une réalité dure, pas seulement dans mon pays mais aussi dans d’autres pays d’Afrique que j’ai pu parcourir. Quand l’on n’adhère plus, on est obligé fermer boutique ». En dehors de Vanessa, d’autres tels que Zachée des Makéa Boyz envisage véritablement d’abandonner cette passion. Il dit : « Quand j’étais tout-petit je rêvais vivre du théâtre. Hélas, je sens vraiment que je vais craquer. Je vais finalement tourner des sketchs et vendre aussi sur Kaymu ou vendre à Canal 2, parce qu’apparemment c’est ça qui paie ». La réalité du monde du théâtre est rude et vivre uniquement de l’art demande un sacré cran au pays de Samuel Eto’o.
Par Gaspard Ngono