lundi 16 mars 2015
Me Jean-Paul Eyouck Nyebel. L’avocat de l’Etat du Cameroun dans l’affaire Camair répond à Yves Michel Fotso.
Le respect des droits de la défense dans l’affaire ex-Camair contre Yves Michel Fotso où vous représentez l’Etat du Cameroun en tant que conseil fait l’objet de vives critiques de la part de l’accusé qui s’est répandu dans la presse internationale et locale pour crier à l’acharnement judiciaire. Vous qui menez l’accusation aux côtés du parquet général êtes clairement pointé du doigt...
La première question que je me pose c’est pourquoi une telle agitation autour de ce procès qui a à peine commencé ? On est donc face à un justiciable qui n’est pas serein. On ne sait pas ce qu’il cache derrière cet appel au public, pourtant nous sommes devant une juridiction démocratique. C’est une agitation qui de notre point de vue n’a pas de sens et est inutile. S’agissant des droits de la défense, on voit qu’il a une pléthore d’avocats. Lorsqu’il s’est sentimal en point, on a toujours renvoyé l’audience. Lorsqu’il s’est plaint quant aux difficultés de son extraction, on la lui a facilitée. Maintenant le fait que ses avocats français nouvellement constitués éprouvent quelques difficultés à le rencontrer est tout à fait normal étant donné que nous sommes dans un pays qui à ses règles et des formalités devaient être effectuées.Après cela, tout est rentré dans l’ordre. Monsieur Fotso a d’autres avocats qui l’assistent depuis le début, le problème ne s’est pas posé avec eux. En réalité, c’est plutôt l’Etat qui est lésé dans lamesure où les avocats de l’Etat n’ont pas toujours la parole alors que ceux d’Yves Michel Fotso interrompent à tout moment la procédure et s’expriment à gorge déployée. Plus d’une fois la procédure ne s’est pas poursuivie normalement soit parce qu’il était absent, soit parce qu’il ne se sentait pas bien.Ace stade de la procédure nous constatons que tous ses caprices autant personnels que ceux de ses conseils sont pris en compte. Nous autres, les suivons presque comme desmoutons qu’on amène à l’abattoir.
Dans ce dossier Camair un protocole d’accord transactionnel a été conclu entre Yves Michel Fotso et le liquidateur de la Camair. Cette entente ne devrait-elle pas donner lieu à un arrêt des poursuites pour Yves Michel Fotso ?
S’agissant de la transaction sur laquelle Yves Michel Fotso s’attarde, je voudrais vous faire remarquer que l’Etat n’a jamais été partie à ce protocole. Ça s’est fait entre Yves Michel Fotso et le liquidateur de la Camair exclusivement. L’Etat a donc été lésé. Le liquidateur de la Camair et Yves Michel Fotso n’ont pas cru devoir y associer l’Etat, pourtant ils auraient dû le faire s’ils voulaient être transparents. Ils ont transigé sur un montant de 2 milliards FCfa à payer par YvesMichel Fotso qui ne correspond pas au préjudice subi étant donné qu’on réclame 69milliards FCfa à monsieur Fotso. Sauf preuve contraire, la défunte Camair était une entreprise publique dont le capital était majoritairement détenu par l’Etat du Cameroun et à ce titre les fonds de la Camair sont des fonds publics. Ce qui justifie qu’à côté de la liquidation de la Camair, l’Etat se soit constitué partie civile. Mais aujourd’hui, l’Etat constate que les montants arrêtés entre Yves Michel Fotso et le liquidateur de la Camair l’ont été demanière informelle. Bien plus, sur les 2 milliards arrêtés, YvesMichel Fotso n’a payé que 750 millions FCfa, ce qui représente à peine le tiers de ce qu’il doit payer. Donc à ce jour, il n’a même pas entièrement remboursé ce que le protocole d’accord prévoit. Dans l’un ou dans l’autre des cas, il ne peut prétendre à un arrêt des poursuites.
Il s’est pourtant dit disposé à payer la totalité de ces 2 milliards FCfa.
La loi ne prévoit pas qu’il faut être disposé. La loi dit ‘‘vous payez la totalité et le ministre de la Justice apprécie’’.
Vous tendez à remettre en cause la crédibilité de ce protocole d’accord…
Oui parce que les montants pris en compte ne correspondent pas au préjudice subi. Et puis c’est quand même bizarre qu’on n’appelle pas l’Etat alors que ce sont ses intérêts qui sont gravement menacés. C’est le liquidateur de la Camair et Yves Michel Fotso qui, pour des raisons qu’ils maîtrisent seuls, ont ramené cemontant à ce prix de 2milliards FCfa.Ce protocole est un élément de mensonge. La preuve, ce protocole d’accord n’a toujours pas été respecté. Les avocats européens de d’Yves Michel Fotso ont soulevé des exceptions de procédure. Dans la première, ils demandent aux juges de constater que leur client est détenu sans mandat de détention provisoire depuis le 22 avril… Ces avocats veulent-ils par là insinuer que Yves Michel Fotso doit comparaitre libre ou bien que le fait de ne lui avoir pas délivré de mandat de détention provisoire depuis le 22 avril 2014 remet en cause la procédure actuellement pendante ? Ce monsieur est détenu pour d’autres causes. Il est notamment sous le coup d’une peine d’emprisonnement de 25 ans dans le cadre d’une première affaire. Et l’absence d’un mandat de détention provisoire ne devrait avoir aucune incidence sur le cours normal de la procédure actuellement pendante au Tcs. Pour nous c’est une perte de temps inutile.
Ses avocats demandent par ailleurs une jonction de procédure entre la première ordonnance et la deuxième ordonnance de renvoi en jugement d’Yves Michel Fotso…
J’aurais voulu savoir à quelle date la deuxième procédure va se tenir pour qu’on puisse procéder à une jonction de procédure. La deuxième ordonnance de renvoi est encore dans les tiroirs. Elle n’a encore été notifiée à aucune des parties et n’est pas encore définitive puisqu’elle peut faire l’objet de recours devant la chambre de contrôle de l’instruction de la Cour suprême. La première ordonnance par contre est enclenchée et fait l’objet du procès actuellement en cours. S’il faudrait donc opérer une jonction, celle-ci (la première) devrait être jointe à quoi ? Encore une perte de temps. La défense aurait pu laisser ce procès suivre son cours normal en poursuivant l’interrogatoire du témoin principal de l’accusation. Ils auraient pu gagner en temps et en argent et ça aurait été un séjour valorisé pour nos confrères occidentaux.
Pour la défense, cette façon de fragmenter les procédures expressément s’apparente à la technique du rouleau compresseur…
Lorsqu’on a posé des actes qui remettent en cause l’ordre public, il est normal qu’on y réponde autant de fois que cela s’impose quitte à chaque fois à prouver son innocence.
Propos recueillis par Eitel Elessa Mbassi